Le livre des rois by Jacques Cazeaux

Auteur:Jacques Cazeaux [Cazeaux, Jacques]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, Religion
ISBN: 9782204145534
Éditeur: Les Éditions du Cerf
Publié: 2021-11-19T16:02:05+00:00

l’occasion réussie : la révolution selon la loi

Chapitres 11-12

L’exécution d’Athalie et la restauration du Temple, tels sont les deux épisodes relativement simples qui opposent ce second volet aux horreurs de Jéhu, traversées de tant de complications. Un phénomène majeur touchant le style confirme l’intention du narrateur de marquer le contraste en faveur de Juda. Que ce soit en effet le complot visant Athalie, que ce soit la réfection du Temple, les deux affaires se déroulent en trois temps, comme les divers épisodes du règne de Jéhu, et une égale minutie dans le style est à l’ordre du jour : la narration se complaît également à un détail poussé jusqu’à la redondance ou même à la répétition. Le lecteur sera amené plus ou moins intuitive­ment à comparer les deux révolutions. Nous mesurerons pour finir une autre portée de ce procédé du détail plus utile encore, plus profonde et heureuse.

En attendant, voici une nouvelle occasion qui survient par la démence d’Athalie, comme héritée de celle de Jéhu, un nouveau massacre. Allons-­nous alors revivre en Juda les horreurs d’Israël ? Cette violence au point de départ est plutôt pour le lecteur l’annonce qu’à un « théorème » semblable la suite offrira un développement neuf et con­tradictoire, avant une élégante résolution.

Voici ce point de départ sanglant. Athalie, liée par son origine au royaume d’Isra­ël, du Nord, règne à Jérusalem, au Sud. Soudain elle massacre les héritiers du roi de Ju­da : serait-­ce pour une entente avec Jéhu quelque jour, ou rêve-­t-elle de réunir Juda à Israël sous sa propre domination, symétrique de l’entreprise de Jéhu, et quelque jour son adversaire ? Ce serait une réparation du schisme, mais caricaturale, contraire à la promesse faite à David, d’une dynastie prolongée, quel que soit le piège à très long ter­me, rude et sauveur, que cette promesse réserve à Israël, comme l’annoncera le « Ca­hier de l’Emmanuel » (Is 6-12). Nous voici dans une situation à l’opposé de celle que dessinait la visite du roi de Juda à Yehoram, le roi d’Israël blessé et malade. Là, on pouvait espérer une saine réparation du grand Israël unissant puis effaçant les deux royaumes, sachant que Jéhu avait manqué l’occasion, alors qu’ici il faut redouter cette réunion forcée, violente, royale, qu’Athalie peut bien envisager – la redouter, du moins tant que l’on feint d’ignorer l’existence de Joas, échappé au massacre.

C’est contre toute vraisemblance que se monte soigneusement et réussit la conspiration visant à supprimer Athalie. Qu’Athalie ait été ou non soutenue par sa fa­mille du Nord, pourquoi le complot aujourd’hui réussi et le consentement du peuple ont-­ils attendu si longtemps, et pourquoi n’a-­t-on pas empêché le massacre des fils du roi qui ouvre l’épisode ? On peut bien chercher à sauver la vraisemblance, mais ce n’est pas elle qui commande la rédaction. Il s’agit d’une image d’Épinal, gravant à traits vifs une révolution exemplaire. Son mérite se ramène à quatre résultats, que la narration du chapitre 11 déploie méthodiquement.

Tout d’abord, la mise en question de la royauté : la lignée de David ne tient plus qu’à cet enfant caché, Joas.

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